Passer le pas

S’il est un cordonnier mal chaussé, c’est bien moi! Oui, j’avoue, cela fait plus de 20 ans que je suis dans le développement d’applications web. Cela fait plus de 20 ans que j’aime partager ce que j’ai appris, ce que je maîtrise, mes convictions, ma philosophie de travail avec les autres. Parfois même au point de les saouler… Alors quelle excuse vais-je pouvoir sortir de mon chapeau pour expliquer cette procrastination de plusieurs lustres? Pourquoi n’ai-je pas de blog?

La première raison est probablement la légitimité. Je ne me suis jamais senti légitime. Parce qu’au début d’une carrière, bien qu’on réalise des projets dont on est fier, on se dit qu’on doit être bien loin des seniors et de tout leur savoir. Que si on a bien quelque chose à partager, c’est sa maladresse, son code juvénile, son expérience pas encore burinée par les jours et les nuits passés sur un clavier, devant un écran qui finit par cramer la rétine. Les années filent. On apprend, on acquiert, on emmagasine. Et surtout, toujours la tête dans la guidon. On finit par transmettre son savoir, par confronter ses connaissances… Oralement. Pas qu’on ait pas le temps. On ne le prends simplement pas. Et finalement, quand on a accumulé assez de crédits que pour se permettre de l’ouvrir, on se rend compte qu’on ne sait rien par rapport à tout ce qu’il y a à savoir. Une fois la première montagne gravie, une fois au sommet, d’autres montagnes bien plus grandes et majestueuses nous apparaissent. Le chemin est encore long. Il est sans fin.

On argumente pour se motiver. Au moins, mettre à plat ses connaissances. Les accoucher. Les conserver, bien ordonnées, comme un album photo. Un recueil qu’on peut ouvrir pour se souvenir. Mais aussi peut-être pour apprécier le chemin parcouru. Se remémorer les bons moments de son parcours, les faits d’armes glorieux. Mais aussi les défaites, les batailles maudites. Celles qu’on a encore jamais gagnées.

Et partager, c’est confronter ses idées avec celles des autres. Ça fait peur. On va devoir se justifier. On se trompera. Mais c’est comme cela qu’on apprend après tout. On le fait déjà oralement au bureau. Mais les paroles s’envolent, et les écrits restent. Et si on était ridicule. On se dit que c’est énergivore. On se trouve encore et toujours des excuses.

L’imperfection est beauté, la folie est génie et il vaut mieux être totalement ridicule que totalement ennuyeux.

— Marilyn Monroe

Et j’avoue ne jamais être satisfait de ce que je fais. Il y a toujours moyen de faire mieux. Mais le mieux est l’ennemi du bien. Et comme dirait Pareto, 80% des résultats sont obtenus avec 20% des efforts. Il faut être pragmatique et se dire que ça ne sera jamais parfait. L’imperfection est beauté…

Mieux vaut ne rien savoir que beaucoup savoir à moitié !

— Friedrich Nietzsche

Je me souviens d’une citation écrite dans un journal de classe de secondaire. Sans doute une déclinaison de la citation de Nietzsche. Elle disait : mieux vaut ne rien faire que de tout faire à moitié. Cela m’est resté longtemps. Comme un mantra, un leitmotiv. Toujours à la poursuite illusoire et chimérique de la perfection.

Alors, oui, je me lance! Et tant pis si j’écris des conneries, si je suis ridicule. Au mieux, n’hésitez pas à partager votre avis, à me corriger, à débattre. Au pire, passez à autre chose.

Si nous, légers fantômes, nous avons déplu,
Figurez-vous seulement (et tout sera réparé),
Que vous avez fait ici un court sommeil,
[…] Si nous avons le bonheur immérité
D’échapper cette fois à la langue du serpent,
Nous ferons mieux avant peu, […]

— William Shakespeare

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